Créer son entreprise : peut-on accomplir des actes au nom de la société en formation ?
Vous avez décidé de créer une société, qui n’aura de véritable existence juridique qu’une fois immatriculée. Mais vous ne pourrez valablement conclure des contrats en son nom qu’une fois cette formalité accomplie ! Sauf que vous ne pouvez pas attendre son immatriculation pour lui ouvrir un compte bancaire, signer un bail commercial, etc. Comment faire ?
Le dirigeant doit passer les actes « au nom de la société en formation »
Une situation initiale…
Une société en formation est une société que ses fondateurs ont décidé de créer, mais qui n’est pas encore immatriculée au Registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au Répertoire des Métiers (RM). A défaut d’être immatriculée, la société n’a pas encore de personnalité morale : juridiquement, elle n’existe pas. Par conséquent il lui est impossible de conclure des contrats.
… qui soulève un problème pratique.
Certains actes ne peuvent pourtant pas attendre l’immatriculation de la société. Par exemple, une demande d’immatriculation au RCS ou au RM nécessite que la société puisse justifier de l’adresse de son siège social, ce qui peut supposer la signature d’un bail. Or, la société ne peut pas signer le bail puisqu’elle n’est pas encore immatriculée.
Une difficulté = une solution…
Pour pallier cette difficulté, les fondateurs de la société en formation peuvent passer, en son nom, les actes qui sont immédiatement nécessaires. Concrètement, il est expressément mentionné dans le contrat ou l’acte concerne qu’il est conclu « au nom et pour le compte de la société [dénomination sociale], société en formation ».
… pour certains actes seulement…
Les actes qui peuvent être accomplis par les dirigeants au nom de la société en formation sont les engagements contractuels qui engagent la société :
- signature d’un bail,
- promesse d’achat,
En revanche, il ne peut pas s’agir de demande d’autorisation administrative (qui ne fait peser aucune obligation sur la société).
… s’ils sont passés par les fondateurs de la société.
Les actes passés au nom de la société en formation doivent l’être par les fondateurs de la société (qui sont, en général, ses futurs associés).
Comment la société peut-elle reprendre à son compte les actes passés pendant sa formation ?
Une condition commune : la mention expresse.
Quelle que soit la procédure de reprise envisagée, il faut que l’acte ou le contrat mentionne expressément qu’il a été passé « au nom et pour le compte » de la société en formation. La société doit être nommément désignée et les éléments qui la caractérisent (comme par exemple l’adresse de son siège social) peuvent être mentionnés pour plus de sécurité.
Sanction du défaut d’une telle mention.
En l’absence d’une telle mention expresse, la société ne pourra pas reprendre l’acte en son nom : la personne signataire de l’acte restera seule engagée par les obligations du contrat. Par exemple, dans le cas de l’ouverture d’un compte bancaire, le règlement du solde débiteur de ce compte sera entièrement à sa charge.
1ère procédure de reprise : la signature des statuts
La reprise d’actes passés au nom de la société en formation peut s’effectuer en se référant aux statuts, ceux-ci contenant alors en annexe un document appelé « état des actes passés au nom de la société en formation », qui précise la nature des actes concernés. Cet état doit avoir été présenté aux associés avant la signature des statuts. Si cette condition est remplie, la signature des statuts entraîne la reprise automatique des actes en question par la société une fois celle-ci immatriculée au RCS ou au RM.
2ème procédure de reprise : le mandat
La reprise d’acte peut aussi s’effectuer via le mandat donné à l’un des associés ou au gérant de la société pour réaliser les actes nécessaires à son fonctionnement avant son immatriculation. Cette procédure suppose que les statuts de la société aient déjà été signés : le mandat n’engage pas la société pour les actes passés avant cette signature. Le mandat peut être donné par les statuts eux-mêmes ou dans un document séparé. S’il est donné valablement, le mandat permet la reprise des actes par la société lors de son immatriculation.
Le mandat doit être précis…
Le mandat doit être « spécial », c’est-à-dire qu’il doit mentionner avec précision les actes pour lesquels il est donné et leurs modalités d’exécution. Un mandat général et indéterminé est inefficace : par exemple, le mandat donné à un associé pour accomplir « tous les actes et engagements entrant dans l’objet statutaire et conforme à l’intérêt social » a été jugé trop large pour être valable.
… et respecté.
Si le mandataire ne respecte pas le mandat, la société n’est pas tenue des engagements pris pour son compte : le signataire reste donc seul engagé au regard des cocontractants.
3ème procédure de reprise : la décision des associés après l’immatriculation…
La reprise d’acte peut aussi être décidée, après l’immatriculation de la société, à l’occasion d’une décision prise à la majorité des associés en assemblée générale. Dans le cas de l’EURL, l’associé unique peut décider de la reprise en lieu et place de l’assemblée des associés, mais sa décision doit faire l’objet d’un acte exprès répertorié dans un registre spécial.
… qui doit être expresse, et non tacite.
La décision des associés doit être expresse : elle ne peut pas être implicite. Par exemple, elle ne peut pas résulter de la seule approbation des comptes du premier exercice social, ou encore de l’exécution de l’engagement contractuel par la société en lieu et place du signataire.
Une reprise d’acte qui libère les signataires et engage la société.
Si la reprise d’actes respecte toutes ces conditions, les fondateurs signataires de l’acte sont libérés à l’égard du ou des cocontractant(s), et la société devient seule responsable de l’exécution du contrat.
En conclusion pour la réalisation puis la reprise d’actes d’une société en formation
A la condition de le mentionner expressément, les actes que vous passez au nom et pour le compte de la société en formation pourront être valablement repris par elle via la signature des statuts contenant une annexe, un mandat que vous ont donné les autres associés ou une décision d’assemblée générale. Attention à respecter les conditions pour que la reprise d’acte soit valable : à défaut, vous demeurerez seul engagé à l’égard des autres cocontractants.
Sources :
- Article L 210-6 du Code de commerce (principe général)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 11 juin 2013, n° 11-27356 (nécessité de mentionner expressément que les actes sont passés au nom et pour le compte de la société en formation)
- Article R 210-5 du Code de commerce (signature des statuts et état à annexer au statut et mandat, pour les SARL et les sociétés par actions)
- Article 6 du Décret 78-704 du 3-7-1978 (signature des statuts et état à annexer au statut, et mandat, pour la reprise d’actes pour les SNC ou les SCS)
- Arrêt de la Cour d’appel de Versailles 19-5-2000 (le mandat donné n’engage pas la société s’il est utilisé pour des actes passés avant la signature des statuts).
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 1 juillet 2008, n° 07-10676 (le mandat peut être donné après la conclusion de l’engagement par un acte séparé)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 24 mars 1998, n° 96-11366 (celui habilitant un associé à passer « les actes et engagements entrant dans l’objet statutaire et conformes à l’intérêt social »)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 31 mai 2005, n° 01-00720 (l’associé unique d’une EURL peut décider la reprise au lieu et place de l’assemblée des associés mais la reprise doit alors résulter d’un acte exprès répertorié dans le registre prévu à cet effet)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 18 décembre 1979 (la charge de la preuve de la reprise des actes passés pour le compte d’une société en formation pèse sur celui qui l’invoque)
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Olivia Boulay
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